Le personnage de Melkisédeq est en effet mystérieux ; il apparaît brièvement en Genèse 14,18-20 où il est présenté comme roi de Salem, dont la localisation est inconnue. Certaines traditions juives et chrétiennes ont proposé d'identifier “Salem” à “Jérusalem” ; la racine est en effet la même, et fait référence au dieu Shalem (le nom “Jérusalem” signifie “Fondation du dieu Shalem”).
En même temps, il est présenté comme prêtre du dieu Élyôn, et non du dieu Shalem. La tradition postérieure a associé ce dieu à Yhwh, le dieu des Israélites, de façon à confondre les deux noms. Ce double changement — de lieu et de dieu — fait de Melkisédeq un prêtre du dieu Yhwh à Jérusalem.
Il y a plus. En Josué 10,1, le roi de Jérusalem s'appelle Adonisédeq, un nom qui peut être interprété “Seigneur de justice”. La sonorité et le sens sont proches de Melkisédeq, qui peut être interprété “Roi de justice”. Les deux personnages ont donc été confondus dans certaines traditions, si bien que certains manuscrits de ce verset lisent Melkisédeq au lieu de Adonisédeq (voir à ce sujet mon livre Le texte de Josué 10).
Quant à Melkisédeq, on le retrouve mentionné dans le Psaume 110 verset 4, où il est question d'être prêtre “à cause de (ou à la manière de) Melkisédeq”. Le contexte de ce psaume est messianique, et évoque une prêtrise éternelle. On en vient à se demander si Melkisédeq n'est pas un être hors du temps, peut-être même un être divin, à l'instar des anges, à qui une prêtrise éternelle aurait été confiée. Cela expliquerait son caractère mystérieux.
Justement, à Qumrân, parmi les célèbres manuscrits de la mer Morte, on trouve deux personnages opposés : Melkisédeq et Melkirésha (“Roi d’impiété”), qui représentent d'une certaine manière l'opposition entre les forces du bien et les forces du mal. (Voir notamment les manuscrits 4Q280, 4Q401, et surtout 11Q13.) Il semble que ce ne sont pas de simples être humains, mais des êtres divins.
Il n’est donc guère surprenant que, dans le Nouveau Testament, Jésus soit comparé à Melkisédeq, dans l'épître aux Hébreux (chapitres 5 à 7). Cette épître fait la part belle aux êtres divins, notamment les anges, et s'intéresse donc à Melkisédeq, ce prêtre à mi-chemin entre le monde humain et divin. Or, c'est précisément la vision que l'auteur de l'épître a de Jésus : il est lui-même prêtre et roi, non pas comme un humain (tel Aaron), mais comme un être divin (tel Melkisédeq).
Au final, les traditions juives qui se sont développées autour du personnage mystérieux de Melkisédeq ont contribué, dès les origines du christianisme, à la représentation de Jésus-Christ — tant sa nature que sa mission.
On Wed, Aug 14, 2019 at 4:07 PM
Bonjour,
Dans Genèse chapitre 14 , Melchisédech ( roi de la justice ) est
décrit comme étant un prêtre du Très Haut et roi de Salem.
Avons-nous donc des hypothèses sur l’origine probable de
Melchisédech ??